Présentation

Le site Cartes Postales Anciennes du Maghreb a  pour objectifs:

  1. de présenter un échantillonage important des cartes postales éditées au début entre 1900 et 1935.
  2. de constituer une base de données à la disposition d'étudiants.
  3. de participer humblement à un travail à caractère historique.

La datation des cartes se base sur le cachet de la poste et sur les informations liées aux éditeurs, quand un point d'interrogation apparaît à coté de la date notée c'est que c'est une approximation en fonction des éléments connus. Les pays d'origine de la carte postale peuvent aussi questionner, sachant que des éditeurs comme Neurdein ou L.L. ont pris des clichés dans un pays mais l'ont ensuite mis en vente dans tout le Maghreb voire en France.

Qu’est-ce qu’une carte postale

La carte postale est un moyen de correspondance écrite qui se présente sous la forme d'un morceau de papier cartonné rectangulaire, de dimensions variables (environ 10 x 15 cm), envoyé sans enveloppe, l'adresse et l'affranchissement y étant porté directement dessus, aux côtés du message. L'usage principal de la carte postale est l'envoi d'un message court. Dans les années 1900 à 1920, âge d'or de la carte postale, l'usage en était pratiquement quotidien, de sorte qu'elles remplaçaient à l'époque le téléphone d'aujourd'hui. Selon les modèles et les époques, un des côtés peut porter une illustration dessinée ou photographique. Elle apparait en France vers 1870, pour acquérir rapidement ses lettres de noblesse lors de l'Exposition universelle de 1889. En 1904, décision est prise d'autoriser à écrire sur le recto de la carte postale, qui à cet effet est divisé en deux parties, l'une à gauche réservé à la correspondance, et l'autre, à droite, à l'adresse. Dès lors la photographie peut librement occuper tout le verso.

Genèse des éditions au Maghreb(voir l’onglet éditeurs), les principaux éditeurs :

Vers 1895 l’imprimeur Neurdein se lance dans l’édition des cartes pour chaque ville importante de France mais aussi de l’empire colonial et plus particulièrement du Maghreb, plus tard il s’alliera à Léon et Lévy pour diffuser sous l’étiquette édition LL. En 1897 Jean Geiser, commence sa propre collection, lui est basé à Alger depuis sa plus tendre enfance, il a été d’abord photographe à partir des années 1870 et a parcouru l’Algérie, il s’est construit ainsi un fonds colossal de clichés, il s’en sert pour commercialiser à partir de 1897 ses propres cartes postales. A Alger, P. Satragno développe aussi dès 1900 son entreprise d’édition sous le nom d’Idéale P.S. . Au Maroc l’on trouve principalement Marcelin Flandrin à Casablanca qui couvrira l’ensemble des évènements du Riff, mais aussi Nathan Boumendil installé à Taourirt. A Tunis Lehnert et Landrock essaient dès 1908 la couleur.

Comment comprendre une carte postale

  1. Décrire
    • Auteur (éditeur, photographe)
    • Date (émission, publication, envoi)
    • Lieu (d’édition, de prise du cliché)
    • Titre (analyse sémantique)
    • La nature de l’image (thématique, personnage, mise en scène, environnement, composition, couleur, cadrage)
  2. Mettre en contexte
    • Historique
    • Politique
    • Culturel
  3. Interprêter
    • Quelle est la fonction de l’image,
    • Quelle symbolique soutient-elle ?
    • Comment vous parle-t-elle ?

Rappel du contexte:

A la fin du 19ème siècle, les puissances coloniales organisent de nombreuses manifestations mettant en spectacle « l’indigène » (expositions coloniales, jardin d’acclimatation, Vénus Hottentote). Il faut affirmer la supériorité intellectuelle, technique et morale de l’Européen. De pseudo scientifiques hiérarchise « les races », les cartes postales classent en «Types » l'ensemble des modèles. En 1922 la société des Nations délègue à la France un mandat sur la partie nord du Moyen-Orient, l'objectif délégué était le suivant : « mission sacrée de civilisation » !...

Les cartes postales intègrent ce mouvement général de mise au format des esprits et de l’imaginaire, leur organisation, les postures, les mise en scènes soutiennent ces intentions. Elles participent à cette construction de la vision que l’on souhaite du monde colonisé, telle qu’elle doit être perçu par le métropolitain.

L’image véhiculée est un objet entièrement fabriqué, qu’il nous faut analyser et décrypter.

L’expansion coloniale débute par l’annexion violente des territoires, sous une forme guerrière. Après les espaces géographiques, il s’ensuit alors une volonté de conquérir les femmes, la femme indigène devient un objet sexuel, seconde forme de la main mise sur les sociétés locales. Elles font partie des fantasmes des Européens contraint par les interdits religieux de leur propre communauté. On peut alors découvrir un orient où des mauresques aguichantes, souriantes et consentantes se dévoilent largement, en décalage totale avec les réalités locales. La mauresque serait une femme légère, accessible et consommable. Certains éditeurs comme Lehnert et Landrock pousseront la démarche jusqu’à la mise en scène d’enfants dénudés, après les territoires, les femmes, les enfants deviennent une nouvelle cible de ces dérives. Aujourd’hui ces dernières seraient qualifiées d’apologie de la pédophilie.

Qu’en est-il de l’authenticité de ces cartes ? Elles révèlent le plus souvent des "préjugés" sur un univers maghrébin - rural et urbain, sédentaire et nomade, public et privé, pauvre et riche, masculin et féminin - encore totalement clos et inconnu des Occidentaux. Elles ne sont qu’une représentation idéalisée d’un « paradis » fictif, hiérarchique et sexuel. Elle trompe certainement le métropolitain qui réceptionne l’objet, mais assurément pas, ni le photographe, ni le modèle souvent rémunéré.

Malgré cela leur esthétisme reste une réalité, la beauté des modèles une autre composante, en les regardant j’aurai toujours une pensée émue pour toutes ces femmes, ces hommes et ces enfants du début du 20éme dont on a pu immortaliser sur un morceau de carton le passage sur la terre.